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Conte d’automne - Conte d’automne


Regia:Rohmer Eric

Cast e credits:

Scénario: Eric Rohmer; image: Diana Baratier; son: Pascal Ribier; montage: Mary Stephen; inteprétation: Marie Rivière, Béatrice Romand, Alain Libolt, Didier Sandre, Alexia Portal, Stéphane Darmon, Aurélia Alcais; production: Margareth Menegoz pour Les Films du Losange, La Sept Cinéma; distribution: Les Film du Losange; France, 1998; durée: 110’


Trama:Nella valle del Rodano Magali (B. Romand), viticultrice di quarantacinque anni e vedova con due figli grandi, si trova al centro di una duplice, affettuosa macchinazione, messa in atto dall'amica libraia Isabelle (M. Rivière) e da Rosine (A. Portal), la ragazza di suo figlio, che vogliono trovarle un marito. Quando viene a saperlo, s'infuria, ma poi la collera le passa. È il più solare dei “Racconti delle quattro stagioni”, ciclo iniziato nel 1990, tutto imperniato sul sentimento dell'amore e abitato da personaggi, adolescenti o adulti, autori del proprio destino..

Critica (1):Quelques plans fixes, vidés de toute présence humaine, sur des ruelles, des panneaux de signalisation et des paysages ruraux, dans la vallée du Rhône. Dès ses premières images, le nouveau film d’Eric Rohmer évoque le cinéma d’ Ozu. Ne serait-ce que dans cette façon de faire précéder l’action par un ensemble de plans purement descriptifs, dégagés de toute mise en situation narrative, comme si les lieux étaient déjà là, en attente, enveloppe étrangement neutre préexistant à tout contenu (humain et narratif). Et plus que tout autre film d’Ozu, c’est Fin d’automne que rappelle assez directement Conte d’automne. Au-delà de la rime évidente de leurs titres, les deux films racontent une histoire assez proche: celle, pour Ozu, d’une femme mûrissante préoccupée par le mariage de sa fille, qui entrevoit un temps de refaire elle aussi sa vie, avant d’y renoncer. Mais chez Rohmer, les itinéraires sont plus sinueux, les effets de miroir plus nombreux et les sentiments plus intermittents. En organisant les noces de sa fille, Isabelle (Marie Rivière) décide du même coup de mettre fin au célibat de sa meilleure amie, Magali (Béatrice Romand), une femme de quarante ans recluse dans ses vignes. Pour cela, elle choisit de publier à son insu une petite annonce dans un journal local, puis de faire passer “personnellement” un casting aux hommes répondant à l’annonce. Mais, peu à peu, Isabelle se prend au jeu et le casting devient aussi une mise à l’epreuve de sa propre capacité à seduire, une expérience clendestine qui lui permet provisoirement de se rêver une double vie. Cela se passe en automne et c’est à nouveau à Ozu que l’on pense dans cette manière d’embrasser les sentiments humains pour les mettre en rapport avec des flux plus amples, ceux des saisons et des éléments naturels. Conte d’ automne clôt la petite cosmogonie sentimentale mise en oeuvre par Rohmer depuis quatre films. L’automne ne vaut pas comme indication temporelle arbitraire, mais constitue vraiment la matière du film. Il est le moment auquel sont arrivées ces deux femmes, à l’automne de leur vie, de leur beauté et de leur désir. Mais plus encore que dans les saisons, c’est dans les éléments naturels que se prolongent les sentiments des personnages. En quatre contes, Rohmer a dressé une carte du Tendre, étoilée aux quatre coins de France où les particularités géographiques de chaque région déterminent la substance de chaque récit. Terrienne, méditerranéenne, le cheveux broussailleux, Magali rassemble à sa vigne. Dans une des premières scènes du film, elle organise une visite guidée de ses terres pour son amie Isabelle. Ce faisant, elle compare sa vigne à celle de son voisin et commente ce qui les différencie. La sienne est désordonnée, luxuriante, les plantes y poussent de façon anarchique, tandis que dans la vigne adjacente, les arbustes sont perfaitement alignés et aucune végétation parasite ne vient s’immiscer entre les rangées. Magali confesse alors qu’elle ne souhaite pas supprimer ces mauvaises herbes, car elle prendrait le risque d’altérer le goût du vin. L’agriculture consiste, selon elle, à planter des graines et à laisser la terre et le soleil faire leur oeuvre. Cette déclaration de principe vaut également pour sa vie privée. En declarant à Isabelle qu’elle se sent seule et qu’elle verrait bien un homme peupler sa solitude, elle dépose une graine mais se refuse à intervenir davantage (en cherchant par exemple à provoquer la rencontre qu’elle attend). Isabelle, en revanche, ressemble à la vigne du voisin. Elle est dans une logique d’organisation et d’intervention. Manipulatrice experte, elle décide donc de défricher la vie privée en jachère de son amie. Dans cette alternative entre la confiance en ce que les choses adviennent d’elles mêmes et le choix de les prendre énergiquement en mains, on reconnaît une ligne de partage chère à Rohmer. Une première lignée de personnages inclut ceux portés par une croyance (dont la Félicie du Conte d’ hiver serait la figure la plus marquante), tandis que la seconde comprend celle des metteurs en scène (Féodor Atkine dans Pauline à la plage, Pascale Ogier dans Les Nuits de la pleine lune, Florence Darel dans Conte de printemps). On sait le sort cruel que réserve généralement toute fiction rohmérienne à ces personnages de manipulateurs. S’il est bien une constante chez Rohmer, c’est que la vie ne se prémédite pas et que les machinations se retournent généralement contre leur instigateur. L’originalité de Conte d’automne consiste à dédoubler cette figure de metteur en scène. Megali a un autre amie, très jeune celle-là, Rosine qui, elle aussi, lui choisit un prétendant, son ancien amant et prof de philo, Etienne (Didier Sandre). Le film raconte donc l’affrontement de deux mises en scène. Isabelle et Rosine se livrent une guerre souterraine pour disposer de Magali, l’occuper là-encore comme une terre. L’avantage va à celle qui a le plus d’expérience (pour filer la métaphore viticole, on dira de la bouteille). Rosine inaugure peut-être une nouvelle lignée de figures rohmériennes. Ni dans la croyance, ni vraiment dans la manipulation (elle est trop naïve), elle est du côté de la chimère. De façon enfantine, elle croit pouvoir ajuster le réel à ses projections de petite fille. Elle voudrait engendrer elle-même sa propre famille, en faisant de sa meilleure amie sa mère, et de son ancien amant son père. Isabelle en revanche n’a rien de chimérique, elle connaît perfaitement la matière humaine sur laquelle elle travaille, c’est un metteur en scène de terrain. Un détail pointe tout ce qui sépare ces deux comploteuses. Rosine demande à Magali de lui donner une photo d’elle pour la montrer à Etienne. Elle choisit une photo où Magali ne s’aime pas du tout, car elle n’a pas l’impression de se ressembler. Un peu plus tard, Isabelle dérobe à son tour une photo pour la montrer à l’homme de la petite annonce, Gérald, (Alain Libolt) ; elle choisit alors spontanément celle où Magali trouve qu’elle est le plus elle-même. Isabelle a l’avantage car si elle utilise des ruses (comme de se faire passer pour Magali), elle sait aussi prendre en compte avec lucidité la demande de son amie, là où Rosine la nie en voulant simplement plaquer sur la réalité des schémas qu’elle a “story-bordés” toute seule. Conte d’automne parle donc essentiellement de mise en scène. Sans jamais renoncer à la comedie et au romanesque, il s’apparente presque à un traité d’Esthétique rohmerienne. Rohmer-cinéaste est à la fois Isabelle et Magali. Il partage avec la première la prémeditation, le talent pour l’agencement et un don presque machiavélique pour régler les situations. Car si de film en film, Rohmer a toujours fait du scénario le mauvais objet (à travers les machinations stériles de ses personnages), c’est peu dire que le scénario de Conte d’automne est un modèle d’équilibre et d’intelligence, multipliant les fausses pistes (comme cette très belle scène du rencontre fortuite à Montélimar entre Rosine et Isabelle, dont on croit qu’elle viendra compliquer leurs plans respectifs et qui se dénoue sans infléchir la marche du récit), esquissant avec finesse les méandres psychologiques de chacun des personnages et rebondissant de situation en situation de façon subtilement inattendue. A partir d’intrigues apparemment anodines (dont on a pu dire qu’elles s’apparentaient à celles des sitcoms), Rohmer impose une épaisseur romanesque peu commune et une autorité sans pareil pour diriger l’attention du spectateur. Mais, tandis qu’il élabore des modèles narratifs d’une extraordinaire ingéniosité, il n’oublie pas, comme Magali, de “laisser les vignes pousser”, c’est-à-dire d’ouvrir son film sur de l’aléatoire, de préserver des impuretés qui, telles les mauvaises herbes de la vigne, altéraient le bouquet du film si on les arrachait. Ces impuretés sont ce qui ressort chez Rohmer du simple enregistrement de la réalité, croyance ancienne des cinéastes de sa génération, à laquelle il n’a jamais dérogé. Quoi de plus beau que ces longues scènes où les acteurs, tels les récitants d’un théâtre antique en plein air, disent en marchant dans les champs un texte extrêmement écrit, tandis que le vent balaie leur cheveux et brouille délicatement la bande-son ? Ou encore cette image qui tout à coup blanchit, lorsqu’un décadrage laisse entrer la lumière d’une fenêtre ? Ou enfin cet instant proprement magique, où un papillon blanc entre dans le cadre et volette exactement au centre du plan, devant le visage de Magali, pour devenir une métaphore improvisée de la grâce qu’elle sollicite, une petite visitation miraculeuse, en même temps qu’un vrai moment de grâce cinématographique?
La perfection horlogère d’une mécanique scénaristique complexe est en permanence fécondée par la force brute d’une forme cinématographique ouverte sur l’impromptu. A l’intérieur de cette ligne de tension, Rohmer noue un double dialogue entre l’expérience de ses personages et celle de sa pratique de cinéaste. A la fin du film, Magali avoue à Isabelle que cela ne la gêne pas d’aimer Gérald car elle l’a remarqué avant même qu’Isabelle ne le lui présente, indépendamment de tout son stratagème. De son côté, Isabelle n’a pas maîtrisé jusqu’au bout son dispositif. Certes, elle est arrivée partiellement à ses fins (Gérald et Magali vont possiblement vivre une aventure) mais au prix d’un renoncement (entrevoir un instant une autre vie qu’on ne vivra pas). C’est le sens de ce dernier plan sublime où un regard-caméra bouleversant de Marie Rivière, à l’issue du générique, comme une pointe extrême du film, vient nuancer d’amertume ce happy-end où chacun retrouve sa chacune. En conclusion, pour qu’une machination marche et qu’une mise en scène prenne, il faut qu’en partie elle rate, que quelque chose échappe. C’est toute la morale du cinéma de Rohmer, entre suprême maîtrise et culte de l’imprévu. Avec une belle sagesse introspective, le cinéaste livre là ce que la poésie classique nommait un Art Poétique, à savoir la démonstration éblouissante d’une méthode d’écriture, doublée de sa propre théorisation.
Jean-Marc Lalanne, Cahiers du cinéma n. 528, octobre 1998

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Eric Rohmer
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